Restauration écologique – Agroécologie

Une grosse partie de mon métier est celui d’éleveur, et je vais consacrer une série d’articles pour parler d’élevage, et de soins des animaux dans le cadre d’élevage extensif avec pâturage permanent.

 Un article précédent avait déjà parlé du pâturage tournant dynamique sur l’aspect nourrissement.

Dans cet article, je vais parler des avantages et inconvénients liés au pâturage sur la santé des animaux.

 Je considère que l’état en bonne santé d’un troupeau, se mesure par le comportement (aspect mental), l’état corporel, et la résistance du troupeau aux maladies et parasites.

Il y a une part de génétique, mais surtout beaucoup d’expérience et de savoir-faire, qui permettent à la fois de limiter les risques et d’améliorer l’état du troupeau.

En revanche, l’apprentissage est douloureux, car derrière mes erreurs, il y a la vie de mes animaux.

Clochette est victime à la fois de mes choix de conduite de troupeau, mais surtout de mon inexpérience. Elle est morte après 3 jours de souffrance masquée.

La brebis est un ruminant qui doit se protéger des prédateurs, qui attaquent en priorité l’animal qui parait le plus faible. Elle va donc cacher son état le plus longtemps possible.

De fait, plus l’éleveur est aiguisé, plus tôt il repérera le comportement anormal de sa brebis. (Qui d’habitude court devant et qui traine derrière, ou qui laisse sa place pour manger alors que d’habitude elle chasse les autres). Ensuite, il aura une analyse plus fine des symptômes et des actions possibles pour soigner son animal.

Le cout d’une brebis ne permet pas le déplacement du vétérinaire. C’est l’éleveur qui soigne lui-même ses animaux, avec une assistance souvent téléphonique de son vétérinaire.

La mort d’un animal (qui notamment avait eu droit à son collier et sa cloche) est quelque chose qui n’est pas facile. J’ai fait de mon mieux, mais je me suis rendu compte après coup à plusieurs reprises que j’aurai pu faire différemment et mieux.

La mort de ses animaux est pourtant constitutive du métier, (taux de mortalité moyen 7 % par an) et intimement liée au contrat entre l’éleveur et ses animaux. En tant qu’éleveur, je souhaite leur donner le meilleur cadre de vie, et en échange elles vont me fournir du lait et leurs agneaux.

J’ai choisi ce métier, cette responsabilité, d’accepter la mort constitutive de la vie, et de croire que toutes ces erreurs me serviront d’apprentissage pour devenir un bon éleveur.

 Pourquoi Clochette est-elle morte ?

La mort est constitutive de la vie, et la sélection naturelle tue les plus faibles, mais comment et pourquoi ?

 L’environnement est un écosystème qui comprend des virus, bactéries, parasites, prédateurs…

L’organisme des brebis doit apprendre à se défendre dans cet écosystème.

Le parasitisme étant un risque majeur dans le pâturage, des médicaments ont été développés pour lutter contre ces parasites internes.

Seulement, à un usage systématique engendre peu à peu des résistances. Et les parasites résistants, seuls survivants sur l’espace pâturés, vont prendre peu à peu la place des parasites sensibles aux médicaments.

Il faut donc avoir un usage modéré, ciblé des médicaments.

Cela impose de voir les signes d’affaiblissement d’une brebis, de lui faire une coproculture (analyse des excréments) pour voir le taux de parasites, et ne traiter que la brebis concernée.

Pour Clochette, elle avait des strongles qui l’ont rendu plus faible ou bien elle était faible et le taux de strongles a été plus important.

Mais ce n’est pas l’unique cause.

Clochette a sans doute subit une attaque de virus ou de bactérie, qui s’est développée sur un organisme affaibli, et c’est un cocktail de paramètres qui a eu la vie de Clochette.

Un point important à comprendre, est la modification rapide de notre environnement par l’homme.

Avec la mondialisation, l’homme a accéléré la migration des espèces indigènes, et les temps d’adaptations et d’évolutions sont perturbés.

De nombreuses études ont été faites sur les abeilles, ce qui permet d’appréhender ce que subissent également les brebis en pâturage.

Les abeilles doivent lutter contre le Varroa, un parasite acarien indigène qui les affaiblit, mais aussi contre 12 nouveaux virus. Ces virus sont généralement dormants, mais présents dans la plupart des colonies d’abeilles, et se déclarent quand un organisme est trop affaibli.

Les abeilles sont notamment affaiblies parce que leur nourriture est trop pauvre. La monoculture ne leur apporte pas assez de diversité dans leur alimentation notamment en vitamines et oligoéléments.

En effet, pour répondre aux agressions, les cellules utilisent une réaction d’oxydation. Mais cette oxydation libère de nombreuses substances comme des espèces réactives et des enzymes qui nécessitent des anti-oxydants pour être neutralisés. Une nourriture diversifiée, riche en différents oligoéléments et vitamines, permet au corps de créer les anti-oxydants nécessaires pour rester en bonne santé.

La flore intestinale des abeilles est également composées de champignons, et en butinant des champs traités contre les champignons (antifongique), cela déséquilibre leur flore intestinale.

Dans le butinage, les insectes sont le plus durement touchés. On assiste d’ailleurs à un effondrement de la biodiversité chez les insectes, et sur les individus les plus proches dans leur chaine alimentaire.

Mais ce type d’agriculture, cette mondialisation a aussi un impact sur les brebis, sur la biodiversité de nos sols, de nos haies, de nos prairies.

Je ne peux pas dire ou mesurer l’impact de la biodiversité dans l’état de mon troupeau, mais je crois que plus les brebis auront accès à des nourritures variées qui peuvent répondre à leur besoin, meilleur sera leur santé.

Les brebis en pâturage ont une vie plus diversifiée, car elles ressentent la météo, courent et ont plus d’interactions sociales entre elles et avec le monde qui les entoure. Et même si cela va prendre du temps, j’espère que cette conduite de troupeau me permettra d’avoir un troupeau plus résilient, et en meilleur état.