News – Bilan
Le bilan de cette première année a mis plus de temps à sortir de mon esprit que prévu.
Fin octobre 2024 j’étais épuisé physiquement et moralement de cette première année, et j’ai apprécié les 2 mois de répit dans lesquels il n’y avait ni traite, ni marché, ni fabrication.
Le bilan est mitigé, mais tout d’abord parlons du positif 😎 :
- Le développement de nos premiers circuits de commercialisation : association de producteur, marchés, biocoop. Et nos produits plaisent !!
- Une jolie gamme de produits pour une première année : tomme, yaourts, crème au chocolat, d bleus, et de la fêta !!
- Une nourriture de qualité pour les breb’s : J’ai réussi à faire du foin de qualité et j’ai développé un partenariat avec un céréalier bio, qui me fournit un mélange équilibré constitué de plusieurs céréales
- Une montée en compétence pour l’utilisation des engins agricoles : épandeur à fumier, vis à grain, plateau fourrager, andaineur, faneuse, round-baller, faucheuse ….
Sur les aspects négatifs en revanche 😓 :
- Economiquement la ferme a perdu de l’argent. Il a fallu la subventionner pour travailler…
- Forte mortalité : Nous avons perdu autant de brebis que nous avons gardé de naissance de renouvellement. Cela vient des conséquences de l’épidémie de FCO, mais aussi d’une gestion difficile des parasites (strongles) lié au pâturage. Le troupeau n’était pas « en état » au moment des mises bas, ce qui a engendré des complications : avortements, mauvaise qualité du colostrum, augmentation des pathologies sur les agneaux.

Ces deux points négatifs prennent une place considérable dans le moral, car les premières années d’installations sont particulièrement difficiles.
La charge mentale est importante, car en tant que responsable de l’exploitation, toutes les décisions sont prises seuls, et il y en a beaucoup. Le quotidien est rempli de petites décisions et de gestions des imprévus. Le manque de connaissance, d’habitude et d’expérience rendent le travail plus fatigant.
Ensuite, je porte beaucoup (trop) de chose sur les épaules : à la fois l’image commerciale, la qualité des produits, mais aussi la santé des animaux, l’entretien du matériel agricole, la conformité de l’atelier de transformations aux règles d’hygiène, l’état des champs, et la performance économique.
La charge de travail est importante et le manque de (parfaite) réussite altère la joie de se trouver à la juste place et de participer à construire un avenir meilleur, mais aussi empiète sur la vie familiale et autres relations sociales.
La dissolution de la frontière entre vie privée et vie professionnelle rend la coupure et le repos moins facile, de même, il est plus compliqué de trouver une personne qui est capable de nous remplacer quelques jours sur le fonctionnement global de la ferme, avec tous ses animaux, la traite, et la transformation du fromage.
Ce n’est pas pour rien que le métier d’éleveur laitier est en disparition en France…

Ce premier bilan m’amène à revoir le modèle, en essayant de ne pas voir cela comme un échec, mais une adaptation au contexte et contraintes du monde vivant qui m’entoure.
Nous avons étudié plusieurs modèles qui visent à réduire la charge de travail pour la rendre acceptable pour moi et la famille.
Sur toutes ces pistes, l’activité de paysan ne suffit pas à compléter les revenus familiaux. Cela implique de garder une double activité de suivi de chantier en tant que Maitre d’œuvre.
Aujourd’hui les 3 principaux scénarios sont :
- Garder 40 brebis sur les 60, et payer une personne 10h/semaines + entre-aide pour partir 1 ou 2 semaines en vacances / an.
- Garder 20 brebis + entre-aide
- Garder 0 brebis en lactation, et un certain nombre en pâturage et faire un peu de fromage en loisir.
Nous allons continuer d’avancer dans cette nouvelle saison pour prendre notre décision pour la suite.
Si on veut discuter sérieusement du sujet, actuellement, le travail des paysans n’est ni assez reconnu, ni assez rémunéré.
Pour prendre soin de la nature, des animaux et produire des produits sains, on travaille trop d’heures et même en vente directe on se rémunère trop peu.
Pour gagner en rémunération, il faut pouvoir produire plus, donc travailler plus ou mécaniser plus ou moins bien s’occuper de nos animaux.
L’agro-industrie, la concurrence internationale, l’utilisation massive de pétrole et produits dérivés permet de produire de la nourriture à bas coût, vendue dans les supermarchés. Le prix indiqué en supermarché sert d’étalon à ce qui doit se pratiquer ailleurs, et reste un référentiel pour la plupart des gens, qui acceptent de payer plus à un producteur local et/ou bio, mais jusqu’à un certain point.
Le prix mentalement acceptable étant relativement plafonné, ce sont les subventions et le travail collectif qui permettent à certains paysans d’avoir une vie acceptable, pour les autres c’est plutôt la sobriété (ou la pauvreté).


La richesse ne se réduit pas à la capacité financière, car il y a aussi le cadre de vie, les relations sociales, le sentiment d’être à sa place,… mais elle percole dans les différents aspects de la vie quotidienne.
Pour finir, nous avons trouvé dans le jardin une famille de hérissons. Une maman hérissons et 3 choupissons (ou hérissoneaux). Nous avons également fait greffer une bonne partie du verger et beaucoup de choses poussent !! La biodiversité prend sa place à la Ferme du Temps Long.
On vous embrasse.
Quelques photos de nos visiteurs !!






Coucou la petite famille.
Content de lire de vos nouvelles, même si cela semble compliqué et fatiguant. J’espère que la prise de décision évoquée vous permettra de continuer dans les meilleurs conditions pour vous tous. Elles sont belles vos brebis !
On pense bien à vous !
Le pape François disait qu' »un pasteur devait sentir l’odeur de ses brebis »…
A mon avis, tu pratiques !
Bises à vous, Loïc !
Et si un jour vous passez par la Bretagne, invitez-vous dans le nord ! 🙂
Vous êtes très courageux et votre persévérance devrait finir par « payer » !
Bravo pour tout ce que vous avez déjà créé et sauvé à ce jour.
Les questions du juste prix rémunérateur et de l’organisation du travail, sont effectivement cruciales et toujours abordées lors de la formation « Cap Circuits Courts ». Il n’y a pas de solution miracle, mais la stratégie d’ « écrémage » est cohérente en « Produits Fermiers » : faire des produits à forte valeur ajoutée en petit volume, soit de Qualité et Prix Elevés.
Quant à l’organisation du travail, c’est bien de se libérer de la croyance qu’on peut tout faire seul ou à 2, d’aller chercher l’entre-aide et les compétences nécessaires à la productivité du travail.
Bonne continuation !
Merci pour ces news et bravo pour votre pugnacité.
Quel cran et quel courage.
Un dicton dit « Après la pluie, le beau temps »
C’est tout le mal que je vous souhaite. Votre travail va payer n’en doutez pas, vous avez traversé le plus difficile.
Continuez d’y croire, encore bravo pour la nique qui vous caractérise.
Amicalement
Merci pour ce bilan qui nous apprend concrètement les difficultés des éleveurs. Impressionnant ! Il en faut du courage et de la persévérance.
Bien amicalement
Catherine et Michel